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Investir dans les esprits, pas dans les maths


Plutôt que d'essayer de former plus de scientifiques ou d'ingénieurs, il faudrait surtout former des gens qui savent penser.

​On entend sans arrêt les avertissements au sujet de la pénurie de relève en science, en technologie, en ingénierie et en mathématiques. Nous serions en pleine crise des STIM - l'acronyme pour Science, Technologie, Ingénierie et Mathématiques.

Dans un monde de plus en plus dominé par des carrières qui impliquent ces domaines du savoir humain, politiciens et organisations répète inlassablement qu'il faut former plus de savants pour assurer notre prospérité.

Plus tôt en décembre, par exemple, le gouvernement du Royaume-Uni annonçait qu'il allait ajouter un extra de 50 millions de livres sterling par année académique dans l'enseignement des STIM. C'est qu'en 2012, l'Académie Royale d'Ingénierie avait annoncé que le Royaume-Uni avait besoin de 10 000 finissants de plus par anné dans ces domaines. La même année aux États-Unis, le géant Microsoft criait que la filière STIM devait être renforcée parce que 1,2 millions d'emplois américains devront être comblés en informatique d'ici 2020 - et que seulement 40 000 américains auraient les diplômes nécessaires d'ici là.

Ces arguments sont un peu chambranlants... L'enseignement des STIM ne suffit pas: le rapport de Microsoft, par exemple, oublie de reconnaître qu'un diplôme en informatique (ce que Bill Gates n'a pas lorsqu'il quitte Harvard pour démarrer l'ancêtre de Microsoft) n'est qu'une des portes d'entrée possibles dans l'industrie. De plus, s'il y a vraiment une pénurie, pourquoi l'offre salariale n'augmente-t-elle pas? Si vous avez un diplôme et que vous travaillez en informatique ou en mathématiques, il est probable que votre salaire a augmenté de moins de un demi pourcent par an entre 2000 et 2011.

Paul Nurse, président de la Société Royale du Royaume-Uni, a souligné la présence d'un surplus de PhDs dans les labos, plusieurs n'étant assignés qu'à des "jobs de bras". Le lauréat du Nobel James Watson a aussi remarqué une acceptation résignée du travail insatisfaisant parmi des scientifiques dûment formés: "Nous formons des gens qui ne veulent juste pas penser, ils veulent juste avoir du travail," a-t-il déclaré en 2010. La conclusion de Watson? "On forme peut-être trop de scientifiques".

Watson ne fait que répéter ce que plusieurs analystes du marché du travail disent déjà depuis des années. Il y a une solution. Au lieu de tenter de produire des scientifiques et des ingénieurs, on devrait plutôt mettre l'accent sur la formation d'esprits agiles. Il nous faut une futur dans lequel les étudiants sont capables de penser de façon cérative.

Norman Augustine, un ancien PDG de Lockheed Martin, a déjà dit que les meilleurs de ses 80 000 employés étaient ceux qui avaient de bonnes habiletés à communiquer et à réfléchir. "Je peux témoigner que la plupart sont d'excellent ingénieurs," a-t-il écrit dans le Wall Street Journal. "Mais le facteur qui distingue le plus ceux qui ont avancé dans la compagnie était l'abilité à penser globalement et le talent pour lire et écrire clairement."

L'abilité à traiter, synthétiser et communiquer l'information efficacement est le talent numéro un du futur. Nous ne devrions pas nous en surprendre: c'était le talent numéro un dans le passé aussi. John Maynard Keynes a déjà dit que ce qui avait fait le succès d'Isaac Newton était son abilité à focaliser sur un problème jusqu'à qu'il en ait fait entièrement le tour par la pensée. "J'imagine que sa prééminence est due au fait que les muscles de son intuition son les plus forts et les plus endurants qu'un homme n'ait jamais eus."

Quand il le voulait, Newton était aussi excellent à communiquer ses idées. On ne peut pas dire de même de la plupart des diplômés en STIM: un sondage du gouvernement britannique de 2011 a raporté les plaintes des employeurs au sujet de leur manque d'habiletés communicationnelles et organisationnelles, tout comme leur incapacité à gérer leur temps ou à travailler en équipe.

Les experts s'entendent que former des étudiants qui peuvent penser globalment ne sera pas facile. Cela impliquera d'abandonner la culture du classement et des examens et de privilégier des évaluations centrées sur les portfolios de projets des étudiants. Cela signifie que les universités et les employeurs devront être plus imaginatifs dans leurs critères de sélection. Cela signifiera aussi de s'empêcher d'essayer de fausser le marché du travail et de laisser les étudiants trouver et étudier dans quoi ils excellent, une fois qu'ils auront maitrisé un large éventail de compétences de base.

Ça va: le rapport du gouvernement britannique a déjà admis que les attentes envers les gens pour qu'ils comblent les emplois en STIM après leurs études "nécessitent peut-être une réévaluation". La filière a démontré qu'elle fuyait et les employeurs ont démontré leur préoccupation au sujet du "manque de postulants de haut calibre" pour les emplois en STIM. Même chose aux États-Unis, qui dépenses 3 milliards de dollars pas an pour attirer les étudiants dans ces disciplines: 44% de ceux qui s'intéressent au domaine changent d'idée dans les premières années d'université, comparé à 30% dans les sciences humaines. Et cela n'inclut pas les professions en santé, ou celles en informatiques, pour lesquelles ce taux s'élève à 59,2%.

Le plus préoccupant dans cette tendance, c'est que les plus ardents défenseurs sont ceux qui peuvent en retirer le plus. Comme le disait l'analyste des politiques scientifiques Colin Macilwain dans Nature l'an dernier, augmenter le nombre de places en STIM dans les programmes da baccalauréat "inonde le marché de diplômés en STIM, diminue la compétition pour leurs services et diminue leurs salaires". En d'autres termes, c'est une source de "cheap labour" pour les industries technologiques.

Inciter plus d'étudiants à emprunter l'avenue des STIM sans s'assurer qu'ils vont apprendre plus qu'à énoncer des faits et jongler avec des chiffres risque de saturer les emplois d'entrée de gamme. Mais nos meilleurs penseurs, qui cherche des emplois intéressants et bien payés, sont trop facilement tentés de mettre leurs habileés au service d'autre chose que les grands défis scientifiques du 21e siècle.

Ainsi, le mantra de la pénurie de STIM ne va pas créer des industries et des innovations qui mènent à une économie florissante, et il ne va pas nous amener ceux qui peuvent résoudre les problèmes de changements climatiques, d'énergie, de manque de nourriture et d'eau.

Il est temps de reconnaitre que le rationalisme des tenants des STIM commence à avoir des ratés...

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